Entrée dans la vie littéraire en 2001, Sandrine Lefebvre-Reghay a occupé diverses fonctions avant de s’expatrier au Maroc en 2003. Cadre dirigeante d’entreprises, elle abandonne ses fonctions en 2009 pour se consacrer pleinement à l’écriture sous toutes ses formes. Presse écrite, littérature, presse d’entreprise et rédaction web rythment alors son quotidien. Pour elle, il n’y a pas de « sous-écriture », seulement des formats et des lecteurs différents. Portrait de Sandrine Lefebvre-Reghay, un écrivain à la clairvoyance mélancolique propre aux âmes sensibles.
Partir pour mieux se retrouver
Fille d’un commercial en sidérurgie, devenu commerçant dans les années 80, et d’une mère agent de la fonction publique hospitalière, Sandrine Lefebvre-Reghay n’a pas 6 ans quand ses parents divorcent. Elle se réfugie alors dans la lecture des œuvres de la Comtesse de Ségur. Puis, de livre en livre, elle se met à dévorer tout ce qui lui passe sous la main.
À 10 ans, Sandrine Lefebvre-Reghay se passionne pour le monde arabe après avoir visionné chez sa grand-mère le chef d’œuvre de David Lean : Lawrence d’Arabie. « J’étais une enfant assez solitaire. Je n’ai pas été habituée à vivre dans un cadre avec une identité de groupe classique : la famille, les copains… Très jeune, j’ai donc pu me forger ma propre identité marquée par des envies d’un Orient fantasmé. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours souhaité vivre dans un pays du monde arabe. Les années vécues au Maroc m’ont permis d’affirmer davantage ma personnalité, mais aussi ma volonté farouche de m’affranchir d’une reconnaissance objective de soi à travers les autres, ce qui est bien plus aisé en France qu’au Maroc. Cela explique, en partie, mon retour en France en 2016 : un retour vécu comme une nouvelle naissance, douloureuse, mais libératrice. »
Des morceaux de vie en écrits épars
Ce voyage au bout d’elle-même, qui aura duré 13 ans, lui a permis de travailler ses gammes ; créer des personnages inspirés de ses rencontres au hasard de ses pérégrinations ; puiser dans ses propres sentiments pour développer une palette d’émotions toutes plus colorées les unes que les autres afin de servir un esthétisme mélancolique propre à la poésie, un genre qu’elle explore avec Farandole de mots parue en 2013.
Comme souvent après une longue absence, Sandrine Lefebvre-Reghay connaît la solitude et la nostalgie du Maroc qu’elle a si bien décrit dans Sawsan (roman), Notre enfance au Maroc, paru aux éditions Wartberg en 2017 ou Mémoire d’un patrimoine vivant, sorte de compilation de ses meilleurs articles parus dans un magazine de décoration marocain.
« Quand je suis rentrée en France, j’ai eu besoin de reprendre mes études. À cette occasion, j’ai eu la chance extraordinaire de rencontrer des professeurs de littérature qui m’ont permis de donner du sens à tout ce que je faisais, notamment en écriture créative. Je n’ai plus eu peur de sortir de mes zones de confort et de sûreté. Je me suis lâchée et cela m’a fait un bien fou. »
Des Petites fugues aux notes variées
En 2019, ses Petites fugues paraissent. Petites bulles de créativité loufoque, elles se déclinent en quatre nouvelles qui étudient la difficulté à communiquer ses sentiments. Cette nouvelle expérience lui a donc appris à ne plus se fixer de barrières dans l’écriture. Adoptant un style incisif, Sandrine Lefebvre-Reghay entraîne le lecteur dans des univers empreints de mélancolie ou de folie douce, avec pour fil conducteur la communication parfois si difficile entre les êtres.
« Pour ces nouvelles, j’ai travaillé comme à mon habitude, de façon intuitive, sans chercher à plaire. Cependant, j’ai souhaité créer de nombreux effets de style, notamment pour le pastiche qui, au départ, a été pensé pour s’insérer dans une journée d’étude consacrée à un écrivain au programme de stylistique cette année-là : Sophie Divry. C’est un exercice à la fois facile et difficile qui demande beaucoup de patience. Il m’a été facile parce que ce travail a eu pour effet de libérer une force créatrice joyeuse qui me venait assez facilement parce que je m’interdis souvent de l’explorer dans mes romans que je conçois toujours de façon assez réaliste. Dans le même temps, il était difficile. D’une part, il n’est pas toujours aisé de maîtriser cette force ; d’autre part, je suis peu habituée aux effets de style qu’il faut savoir intégrer de manière naturelle, non pas comme des accessoires pour faire beau, mais bien comme des éléments formant l’ADN de l’écrit dont ils sont indissociables. »